Les changements climatiques, une bonne nouvelle pour le Québec?
À chaque fois que je voyage dans une région vinicole, j’apporte une bouteille de vin canadien dans mes valises. Les meilleurs vins sont rarement exportés et je partage avec fierté les joyaux embouteillés par des producteurs locaux. Quand je partage une bouteille qui vient du Québec, j’obtiens toujours la même réaction : ne fait-il pas trop froid pour faire pousser des raisins?
En effet, c’est tout un défi de faire pousser des raisins au Québec. Cela requiert beaucoup de passion, de détermination et de courage. La saison est courte, les gels de printemps et d’automne sont des enjeux et les hivers rudes nous oblige à couvrir les vignes de géotextiles pour les protéger. Beaucoup penses que les changements climatiques rendraient les choses plus faciles pour les quelques producteurs courageux du futur. J’ai posé la question à Michael Marler, un des producteurs les plus respectés de la province.
L’histoire
Michael Marler est propriétaire du domaine Les Pervenches avec sa compagne Véronique Hupin. Le domaine compte à peine plus de 4 ha de vignes situées à Farham au Québec. Leur aventure a commencé en 1998 et leur succès est le résultat d’un questionnement continu, d’essais-erreurs et de décisions courageuses. Leurs vignes sont certifiées biologiques et biodynamiques, ce qui n’est pas tâche facile considérant le climat difficile du Québec. De plus, une visite au domaine de la sommité Marcel Lapierre dans le Beaujolais, les a incité il y a de nombreuses années à produire des vins natures. Ils ont réussi. Alors que le mouvement récent du vin nature a fait apparaitre de nombreux vins déviants, Lapierre a toujours fait du vin pure, exempt de défauts. On peut dire la même chose des Pervenches : la pureté est au rendez-vous, permettant l’expression du terroir. Il faut énormément de connaissances pour faire peu.
Les changements climatiques au Québec
Naturellement, on pense que les changements climatiques seront automatiquement bénéfiques pour les régions fraiches. Mais malheureusement, ce n’est pas aussi simple que ça. Comme dans le reste du monde, des vagues de températures extrêmes deviennent la norme et cela amène son lot de défis. « Le plus gros changement, c’est l’arrivée du gel en septembre », nous dit Marler. « Entre 2000 et 2012 c’est arrivé quelques fois, mais aujourd’hui c’est presque devenu la norme. Les températures peuvent descendre en-dessous de 5-6 degrés Celsius. C’est très important d’avoir des protections. Notre machine à vent nous a sauvé à plusieurs occasions », il ajoute.
L’autre défi majeur est l’augmentation du mildiou en général et l’arrivée dans la région d’une nouvelle espèce, le Plasmapora viticola aestivalis, depuis environ cinq ans. « Il peut se propager à la fin de la saison et vers la mi-septembre. Nous avons beaucoup à apprendre sur cette nouvelle souche, son comportement et comment la contrôler » dit Marler. Il explique que le mode de conduite Scott Henry aide beaucoup. Il a aussi recours au cuivre et aux huiles essentielles d’agrumes et d’origan. Mais surtout, il explique que les vignes doivent être fortes et en bonne santé pour combattre. Des préparations fermentées faites d’ortie et de consoude sont appliquées pour donner des forces à la vigne. Ils testent aussi une nouvelle technique recommandée par un agronome italien, Reggero Mazzili. L’idée est de se servir de l’enherbement pour empêcher la pluie de rebondir, et donc empêcher les spores de se répandre puisqu’ils restent sur les plantes. Ils font des essais avec plusieurs types de plantes, incluant le seigle d’automne et le blé d’hiver qui sont plantés au printemps.
Marler ajoute qu’il n’y a pas d’uniformité entre les millésimes; ils varient d’année en année. Par exemple, alors que 2019 fut une des années les plus froides qu’il ait connu au courant des 20 dernières années, 2020 était incroyable en termes de quantité de raisins et de degré d’alcool à 13,8%. Par contre, une chose qui peut être vue comme positive est la fleuraison précoce qui rallonge la saison de production. « La fleuraison survient maintenant entre le 20 et le 30 avril. Les gelées printanières peuvent être problématiques, mais avec notre machine à vent qui fonctionne bien, on n’a pas eu de dommage dû au gel (jusque-là) ».
Faire pousser des raisins au Québec est une tâche ardue et il est fort probable que les changements climatiques continuent à amener leur lot de défis. Mais les producteurs sont résilients et passionnés. Le futur ne pourra être meilleur qu’ensemble, alors continuons à partager nos solutions pour nous adapter. Aujourd’hui, alors que nous célébrons la Saint-Jean Baptiste, je lève mon verre à Michael, Véronique et tous les autres producteurs du Québec qui nous rendent fiers. Bonne fête nationale!